Partenariat Public-Privé et financement des PME en Côte d’Ivoire : Enjeux et perspectives

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  • Date: mar. 0
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Depuis une vingtaine d’années, les partenariats Public-Privé (PPP) sont devenus l’un des modes les plus utilisés de financement des infrastructures publiques nationales dans le monde. Débuté en Grande Bretagne à l’entame des années 90, ce système s’est progressivement répandu dans le reste du monde. Ces politiques, sont notamment soutenues depuis ces années par la Banque Mondiale et l’OCDE mais aussi des organismes comme la Banque Européenne d’Investissement.

En Côte d'Ivoire, cette formule a commencé à exister un peu après. Mais, ce sont ces deux dernières années qui ont vu la montée fulgurante de ce système. Une Unité Nationale chargé du PPP (UN-PPP) et rattachée à la Primature (Ministère de l'économie et des finances) a même été mis en place. Cette dernière est composée d'un Comité National (CN) et d'une Cellule Technique Opérationnelle (CTO). Avec un tel dispositif politico-juridique, l'on veut sans doute montrer tout l'intérêt qu'il y a de surveiller la mise en œuvre de cet outil de développement.

S'il est vrai que c'est le manque de financement public qui donne toute sa place au PPP, il est d'autant plus vrai que seules les entreprises privées capables de se financer sur les marchés financier et monétaire ou par leurs actionnaires y seront les plus cotées.

Dans cette relation d'agent à capacité de financement (Entreprise) et d'agent à besoin de financement (Etat), quel pourrait être la place des PME ou comment pourront-elles prendre part dans la mise en œuvre des PPP en Côte d'Ivoire ? Quels sont les enjeux (ou les en jeu) du financement des PME dans les PPP ? Quelles sont les perspectives ?

En Côte d'Ivoire et comme ailleurs dans le monde, les PPP concernent très généralement les grands projets d'infrastructures. Pour le cas de la Côte d'Ivoire, la matrice nationale adoptée, a priorisé onze (11) projets. Ces derniers semblent représentatifs des besoins infrastructurels du pays. Ils concernent la construction d'hôpitaux, d'écoles ; les investissements dans la production et le transport d'énergie, le transport urbain et interurbain etc. L'on constate bien que ces projets sont demandeurs d'importantes injections financières. Or, il est su de tous que les PME en Côte d'Ivoire, et même dans l'UEMOA, rencontrent d'énormes difficultés à se financer sur le marché bancaire.

     1.    Comment les PME peuvent-elles prendre part à la mise en œuvre du PPP ?

Vu la taille des projets à financer, il semble que seulement les grandes entreprises ou même multinationales restent les plus concernées par les appels d'offres des marchés du PPP. Mais la mise en place d'un cadre législatif et règlementaire cohérent tel que souhaité par le Comité pourrait faire bouger les lignes pour les PME. C'est vrai que la stabilité d'un tel cadre garantirait les apporteurs de capitaux et susciterait l'engouement des entreprises. Mais, il ne s'agit pas ici de chercher à garantir seulement la stabilité des marchés attribués aux Multinationales (cas du pont Henri Konan Bédié ayant été attribué au moins trois fois). Il faut inclure dans ces dispositions, l'obligation de sous-traitance aux PME ivoiriennes d'une quote-part des marchés attribués. On pourrait dire de manière arbitraire, 30% des marchés attribués. Le tout c'est de permettre à ces entreprises de travailler et de participer à la construction économique du pays.  Au regard des difficultés de financement rencontrées par ces entreprises, l'on pourrait se demander comment se financeront-elles ?

 

     2.    Comment financer les PME attributaires de sous-projet du PPP ?

Pour les Petites et Moyennes Entreprises, les modes de financements classiques sont connus. Ils se résument à l'autofinancement et à l'injection de fonds des principaux associés. Une autre source de financement de cette catégorie d'entreprises consiste pour les associés à ouvrir le capital de leur compagnie à de nouveaux apporteurs de capitaux tels que les investisseurs institutionnels. L'Etat peut contribuer directement à financer les PME via des annulations, réductions et abattements de dettes fiscales à leur profit. De même, à travers des facilités fiscales aux institutions de financements, il peut indirectement aider à améliorer l'accessibilité des PME aux crédits bancaires.

Les financements inter entreprises peuvent être prospectés pour une solution à court et moyen terme. En effet, les multinationales (financièrement solides) attributaires principales des grands projets structurants peuvent accorder des crédits liés à leurs sous-traitants, les PME attributaires de sous-projets du PPP.

Comme indiqué plus haut, le PPP est une plateforme de coopération et d'échanges dynamiques entre les secteurs public et privé. Il peut être aussi un cadre d'échanges gagnant-gagnant entre les grandes firmes attributaires des marchés infrastructurels et les petites et moyennes entreprises (PME). C'est ce modèle économique et financier que Cécile Kauffman, dans sa publication sur le financement des PME en Afrique (in Repères N°7, OCDE, 2005), a appelé l'intervention des acteurs non-financiers dans le financement des PME africaine. Elle insiste : « Les grandes entreprises peuvent jouer un rôle important pour faciliter l'accès des PME au financement en favorisant les transferts de ressources (argent ou facteurs de production) et en garantissant leur solvabilité auprès des établissements financiers. Les liens avec les grandes entreprises peuvent également aider les PME à bénéficier de crédits-exports, mécanisme particulièrement pertinent dans les pays à institutions faibles, car les partenaires commerciaux sont mieux informés que les autres créanciers (les institutions financières en particulier) sur les capacités de remboursement de leurs clients. »

La mise en place de ce cadre d'échanges pourrait prendre la forme d'une relation de sous-traitances avec ces grandes entreprises. C'est en ce moment là qu'il serait salutaire que ces firmes acceptent de consentir des crédits inter entreprises de financement. En effet ces grandes entreprises, souvent côtés sur des marchés financiers ont une certaine facilité à mobiliser les ressources financières sur les marchés financiers et monétaires. Cette possibilité de financer les activités des PME dans le cadre des PPP peut ne pas rencontrer l'adhésion des firmes compte tenu de la fragilité de leurs structures financières. Pour lever cette équivoque, les PME peuvent ouvrir leur capital social aux firmes via des prises de participation faisant d'elles des associés ''temporaires''.

Par ailleurs, le secteur public via l'Etat, peut jouer un rôle prépondérant dans l'accès des PME aux crédits bancaires pour financer leurs activités dans le cadre des PPP. Les PME étant les plus grosses pourvoyeuses d'emplois dans les pays en voie de développement (PED), il s'avère plus que nécessaire que ces entreprises soient étroitement liées à la conception, la réalisation et à la mise en œuvre de ces contrats de partenariat.

 

3.    Quels sont les enjeux du financement des PME dans la mise en œuvre des PPP ? Et quelles peuvent être les perspectives ?

Dans les économies dites développées ou fortes, s'il y existe un déterminant de leurs performances économiques, c'est bien la bonne santé des PME.

En Allemagne, ces entreprises représentent près de 99,7% du matelas des contribuables. Elles emploient environ 70% des salariés du secteur privé. Il n'y a pas si longtemps, l'ancien ministre de l'économie de ce pays, Philipp Rösler, disait toute sa satisfaction de leurs PME : « Les PME demeurent « la colonne vertébrale » de l'économie allemande. Tout d'abord, elles ont contribué à ce que l'économie allemande batte tous les records en matière de création de richesses et d'emplois en 2012. En 2011, les entreprises de moins de 2 250 salariés employaient déjà 921 000 salariés de plus qu'en 2009 ».

En France, selon l'annexe au projet de Loi de Finance 2014, on compterait 3,2 millions de PME, soit 99,9% des entreprises (chiffres 2010). Elles représenteraient 52% de l'emploi salarié. Elles réalisent 38% du chiffre d'affaires, 49% de la valeur ajoutée et 43% de l'investissement.

Dans ces deux économies citées, en France, le ratio est de 21 habitants/1 Pme ; en Allemagne, il est de 23 habitants/1 Pme.

Tout l'enjeu est là. Contribuer à la croissance économique, partager la richesse par la création d'emplois, réduire le chômage, surtout des jeunes diplômés et enfin vitaliser l'économie nationale pour une croissance juste et équitable. Disons, une croissance durable.

Mais en Côte d'Ivoire la situation n'est pas si reluisante. Selon des chiffres récemment publiés, on dénombrerait environ 45 000 Pme. Soit pour une population estimée à 23 Millions d'habitants, nous avons 516 pour une (1) Pme.

Ce qui est en jeu, ici, serait la réduction de l'extrême pauvreté des populations.

Une volonté politique affichée pourrait faire bouger les lignes. Vu que les projets PPP recensés par l'Etat de Côte d'Ivoire se chiffrent en Milliards de Dollars US, il est tout simplement juste et légitime d'espérer que leurs mises en œuvre impliqueraient et engageraient les Pme ivoiriennes. Cet outil de développement doit profiter aux populations.

La création d'un ministère en charge de la question des PME peut être perçue comme l'existence de cette volonté politique espérée. Il nous reste à savoir la cohérence de ses attributions et les moyens à mis à sa disposition pour accompagner les entreprises. Le rêve sur le réveil des PME est peut être réalisable.

Au regard des liens systémiques établis entre ces éléments évoqués, il ne s'agira pas seulement d'aider ces entreprises. Mais mieux, il sera question de réduire la pauvreté dans le tissu social de ce pays. Pour mémoire le pays compterait 50% de pauvres.

 

OUATTARA Navaga

Président du Réseau d'Appui aux Jeunes Entreprises pour la Solidarité

Expert-Consultant, APEX-CI, FARE-PME

Ouattara.navaga@yahoo.fr