"Les augmentations des cadres n'ont jamais été aussi faibles depuis 20 ans"

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  • Date: mar. 0
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A peine 3 % : c'est ce qu'a touché comme augmentation un cadre français en 2009 en moyenne. Les précisions d'un expert. vec des augmentations moyennes pour 2009 de 2,8 % pour l'ensemble des salariés et d'à peine 3 % pour les cadres, la crise a fortement affecté les politiques de rémunération des entreprises. Pierre Le Gunéhec, responsable de la rémunération globale chez Hewitt Associates, commente les résultats de l'enquête qui vient d'être publiée par le cabinet.

 

Les résultats de votre étude sont en berne, avec un taux moyen de 2,8 % d'augmentation pour l'ensemble des catégories de salariés, alors que l'an passé les prévisions tournaient autour de 3,7 %. Peut-on dire que la crise a eu un effet sans précédent sur les politiques de rémunération ?

Pierre Le Gunéhec. En effet, nous réalisons cette enquête depuis 20 ans et nous n'avions jamais constaté un taux d'augmentation aussi faible, inférieur à 3 %. Mais il faut cependant souligner que seules 11 % des entreprises de notre panel ont fait le choix de geler les salaires. Ce qui représente tout de même une grande majorité d'entreprises qui, malgré la crise, ont opté pour une augmentation des rémunérations.

"L'augmentation de salaire des cadres a toujours été de l'ordre de 3,3 %"

Le taux d'augmentation du salaire des cadres était autour de 3,3 % en 2008. Avait-on atteint un sommet ?

Non, le taux d'augmentation des salaires pour les cadres a toujours été de l'ordre de 3,3 %. Lorsque l'on observe l'évolution des salaires au cours des années précédentes, cela dessine une courbe plutôt assez plate. L'idée d'un effet de rattrapage déguisé est donc exclue. En entrant plus dans le détail des catégories, les cadres supérieurs ont reçu une augmentation moyenne de 2,9 %, les cadres moyens, de 2,8 % et seuls les cadres débutants ont obtenu 3,2 %. Mais il faut savoir que les cadres débutants ont toujours bénéficié de budgets d'augmentation plus forts. Ils sont donc autant touchés que les autres catégories, puisqu'en 2008, leur augmentation moyenne était de 3,8 %. En revanche, cette différence témoigne de la professionnalisation des RH, qui savent que ce n'est pas le moment de démotiver complètement un nouvel embauché.

Comment les RH et les managers ont-ils fait face à ces politiques d'évolution de rémunération revues à la baisse, sachant que rémunération et motivation vont plutôt de pair ? Avez-vous constaté des innovations en matière de rémunération ?

Confrontées à de plus petites enveloppes, les RH ont en effet eu des sources d'économie à trouver. Et, autre constat de professionnalisation des RH, les entreprises ont évité l'erreur classique dans ce genre de situation de crise : elles n'ont pas choisi de saupoudrer des augmentations à l'ensemble des collaborateurs. Elles ont pris le parti de donner en priorité aux collaborateurs qui enregistrent les meilleures performances, tout en imaginant des mesures d'accompagnement pour motiver les autres par d'autres leviers que la rémunération directe. Au-delà du versement de la participation qui est obligatoire et de l'intéressement qui ne l'est pas mais qui est versé par 70 % des sociétés, les entreprises veulent réellement rendre variables les bonus pour payer une performance. Un système qui se veut alors discriminant et non pas récurrent. D'où la nécessité pour les entreprises d'accompagner les managers pour les aider à assumer tous ces discours.

 

Comment motiver en dehors de la rémunération, sachant que les avantages en nature sont également dans la ligne de mire de la chasse aux coûts ?

"Les entreprises ont davantage valorisé leurs programmes de rémunération globale"

Une des "vertus" de cette crise, c'est que les entreprises ont davantage valorisé leurs programmes de rémunération globale qui comprend certes, le salaire fixe, le salaire variable, mais aussi les avantages en nature, le temps libre, la mutuelle, la prévoyance, la retraite... Elles ont plus largement communiqué sur ce qu'elles donnent aux salariés, via la mise en place d'un bilan social individuel, qui permet de dédramatiser la question de la rémunération par les autres éléments du package et de conserver une source de motivation. En ce qui concerne les avantages en nature, comme notamment la mise à disposition d'une voiture pour un grand nombre de cadres, même si l'entreprise choisit de renégocier son parc, avec un changement de gamme pour réaliser des économies, cela n'empêche que le cadre continue de conserver cet avantage.

Par ailleurs, puisqu'elles peuvent moins jouer sur la rémunération, les entreprises se tournent désormais vers une meilleure identification des leviers qui ont le plus d'impact sur l'engagement de leurs salariés : au-delà de la rémunération, le type de relation avec la hiérarchie et les équipes, les opportunités de carrière, l'intérêt du travail, la qualité de vie sont autant d'ingrédients clés...

 

Face à ces questions, constatez-vous des différences entre les petites et les grandes entreprises ?

Notre enquête rassemble tout autant des PME que des grandes entreprises, avec une médiane qui se situe à moins de 1 800 employés. Nous constatons une même recherche d'économies dans les petites et les plus grosses structures. Si les PME ont moins de ressources, et donc ont tendance à moins formaliser les choses, elles savent tout aussi bien faire face à cette situation, avec des objectifs et des leviers identiques. Nous ne sommes pas surpris, les PME ont souvent été en avance sur les bonnes pratiques RH, car s'occuper des salariés est un aspect important pour les elles.

En ce qui concerne les perspectives pour 2010, les résultats de votre étude ne sont guère rassurants, avec des augmentations moyennes de 2,5 % pour les cadres.

La logique à l'œuvre est une prudence extrême, même s'il s'agit plus des mesures de précautions que d'une réalité en entreprise. Les RH se préparent à faire face à des augmentations de 2,5 %, même si tout le monde espère pouvoir revenir à 3 % et continuer la tendance. Les entreprises font attention à ne pas couper tous les moyens des RH. La rétention des talents est un enjeu pour la sortie de crise, c'est la raison pour laquelle les entreprises travaillent sur la question d'engagement. Les managers, les salariés et les RH ont appris des crises précédentes, même si celle-ci a la particularité de plonger tout le monde dans l'incertitude.

 

Note : L'enquête sur les révisions salariales a été réalisée par Hewitt Associates en juillet et en août auprès de 69 sociétés représentant 721 058 salariés, tous secteurs d'activité confondus.



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