Guillaume Liby, un banquier engagé

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  • Date: mar. 0
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Enfant de Guibéroua parti aux Etats-Unis pour terminer ses études supérieures, Guillaume Liby est aujourd’hui directeur général de la United Bank of Africa Côte d’Ivoire. Une banque qu’il a réussi à développer sur tout le territoire en moins d’un an. Son ambition ? Donner une très forte impulsion au secteur bancaire de la Côte d’Ivoire.

Au départ, l'on est frappé par des petits détails. Le pin's et la cravate où s'inscrit le logo rouge et blanc de la première banque du Nigeria, et la montre qui respecte le même code couleur. L'on se dit que Guillaume Liby, 48 ans, directeur général de la filiale ivoirienne de United Bank of Africa (UBA), a l'esprit d'entreprise chevillé au corps. Au fil de la conversation, une évidence finit par s'imposer. Guillaume Liby carbure à l'engagement et au défi. Et la firme qu'il a intégrée le 1er septembre 2008 lui donne l'occasion de participer à ce qu'il considère comme un rêve panafricain. « Je considère que c'est une ambition noble, pour une institution africaine, de vouloir pratiquer le métier selon les standards internationaux, de vouloir être présente dans le monde entier. Les hommes ont été créés égaux, et il n'y a pas de raison pour que les autres marchent sur la Lune, et nous pas ! », explique-t-il avec des accents passionnés.

 

Un itinéraire presque parfait

 

Quête de l'excellence. Besoin de s'affirmer dans sa valeur intrinsèque. Ces éléments ont joué un rôle moteur dans la carrière du fils de Guibéroua, qui a quitté ses parents à l'âge de dix ans pour rejoindre son frère aîné et se déplacer avec lui au gré de ses affectations. Korhogo d'abord, puis Grand-Bassam. « Depuis cette période, j'ai toujours détesté être médiocre. Et quand mes résultats étaient mauvais, j'étais très en colère, et je m'en prenais d'abord à moi-même », explique Guillaume Liby. Cette disposition d'esprit produit des résultats. L'adolescent se révèle très bon élève, à la fois dans les matières scientifiques et littéraires. A tel point que ses enseignants se le disputent à la fin de la troisième. Le prof de français le veut en série A, tandis que celui de maths exige qu'il soit orienté en seconde C. Au final, sur les conseils d'un certain nombre de proches, le futur banquier choisit la série B, à dominante économique. Il déménage à Abidjan, où il s'inscrit au lycée technique. Son destin se construit.

 

1982. Guillaume Liby obtient son baccalauréat haut la main et entre à l'université de Cocody. « L'université était beaucoup plus performante en matière d'éducation. Il y avait des débats d'idées. Il n'y avait pas encore ce surpeuplement des cités universitaires. Il y avait des chambres doubles et des chambres individuelles, et pas de "Cambodgiens" à l'époque », raconte-t-il aujourd'hui. Il décroche sa maîtrise avec deux mentions « assez bien », ce qui lui donne droit à une bourse à l'étranger, en l'occurrence aux Etats-Unis, à une période où l'Usaid en octroie aux étudiants ivoiriens les plus méritants. Mais avant le grand départ, l'étudiant suite une formation d'une année – très sélective à l'entrée –  à l'Institut des matières premières dépendant lui-même de l'Institut national des sciences agronomiques (Insa) de Yamoussoukro. Il fait son stage à Marseille, chez un courtier en produits tropicaux, où il apprend beaucoup. A son retour en Côte d'Ivoire, il est face à un dilemme. « Notre formation était très bonne à l'Institut des matières premières. Nous avions des professeurs de haut niveau, dont certains étaient les conseillers du président Houphouët-Boigny. Nous avions une certaine idée de notre rôle après l'école. Nous voulions révolutionner le secteur des matières premières en Côte d'Ivoire, riches de notre nouveau savoir. Du coup, j'ai longtemps hésité entre intégrer la Caisse de stabilisation et partir aux Etats-Unis. Finalement, je me suis décidé, suite aux conseils de certains proches qui m'ont expliqué qu'une bourse au pays de l'oncle Sam, ça ne se refuse tout simplement pas ! »

 

Un banquier hors pair

 

Début 1989, Guillaume Liby débarque aux Etats-Unis pour étudier à l'Université de l'Etat de New York, située dans la ville d'Albany. Son master en Economie, option Commerce international obtenu, il travaille dans une compagnie d'assurance américaine, la New York Life Insurance Company, où il s'occupe de faire fructifier un fonds commun de placement.

C'est à l'occasion d'un sommet sur l'Afrique à Washington, auquel il se rend, que le jeune homme noue ses premiers contacts avec l'employeur qui lui donnera l'occasion de rentrer au pays, Citibank. Alors qu'il fait ses valises, le président Houphouët-Boigny s'éteint le 7 décembre 1993 dans un contexte délétère. Les employeurs de Guillaume Liby lui proposent des solutions professionnelles de rechange. Mais l'appel du pays est trop pressant. Le 15 décembre, il est de retour sur les bords de la lagune Ebrié.

 

A Citibank, il progresse vite dans l'organigramme de l'entreprise quand, en 1997, il est débauché par la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, où il entre comme chargé d'investissement. Dix-huit mois plus tard, retour à Citibank, où il est propulsé vice-président, chargé notamment de la restructuration des activités café-cacao. « Cela s'est déroulé dans un contexte de fortes pertes dans le secteur, et les patrons de la banque se sont sans doute dit que j'avais plutôt bien géré les portefeuilles dont j'avais la charge », explique-t-il rétrospectivement.

En 2001, Guillaume Liby, désormais banquier vedette, prend un risque que l'on peut considérer comme un peu fou. Il quitte Citibank pour entrer à la Caisse autonome d'amortissement (CAA) qui doit faire sa mue pour devenir la Banque nationale d'investissement (BNI), en tant que directeur du crédit et du risque. Pourquoi quitter les rivages tranquilles d'une banque internationale pour ceux, tumultueux, d'une lourde institution étatique que les bailleurs de fonds veulent voir démantelée ? « La Côte d'Ivoire était fragilisée. Je me suis rappelé la petite phrase de John Fitzgerald Kennedy et je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose pour aider mon pays. De ma propre initiative, alors que j'étais à Citibank, j'avais mené une étude qui démontrait que la CAA était viable à certaines conditions. Cela tombait bien parce que le gouvernement de l'époque avait commandité une étude d'opportunité à un cabinet international qui arrivait aux mêmes conclusions », se souvient-il. C'est avec une fierté non dissimulée qu'il note qu'après une année d'exercice, la nouvelle équipe avait fait passer le bilan de la banque de 9 milliards de FCFA de pertes à un bénéfice de 1 milliard de FCFA.

 

Africain, et fier de l'être

 

En novembre 2003, Guillaume Liby quitte la BNI sans avoir trouvé de point de chute et connaît une traversée du désert de huit mois. « La mariée était trop belle. En Afrique, quand c'est sale, personne ne s'en occupe… », élude-t-il pour solde de toute explication.

Le banquier, qui s'est désormais taillé une réputation de défricheur de fronts pionniers, rebondit à la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE) de Côte d'Ivoire, qui se prépare à passer du statut d'établissement financier à celui de banque pleine et entière. Puis il se fait débaucher par Access Bank. Il pilote le projet de rachat d'Omnifinance. Il doit bâtir un plan d'acquisition, notamment dans ses aspects juridiques, et mettre en place la stratégie post-acquisition.

Après une année à Access Finance, c'est au tour d'UBA Côte d'Ivoire de le recruter, le 1er septembre 2008. Moins d'un an plus tard, il en devient le directeur général. Il doit partir de zéro, bâtir tout le réseau ex nihilo, et faire face aux préjugés sur l'origine de la banque, qui sont tout de même contrebalancés par la réputation de grand groupe international qui précède UBA. « Nous sommes heureux d'avoir suscité une effervescence dans le secteur bancaire et d'avoir poussé les anciens à se remettre en question. Et nous sommes fiers d'avoir développé rapidement notre réseau, qui compte aujourd'hui 15 agences et 30 guichets », se réjouit Guillaume Liby. Qui espère que l'exemple de sa banque participera à balayer « notre malédiction à nous, Africains, qui consiste à nous voir dans le regard des autres et à croire à la mauvaise image qui nous est renvoyée alors que nous avons de la valeur ».

 

Théophile Kouamouo

 

 

 

Les quatre propositions de Guillaume Liby pour booster le secteur bancaire

  • Il faut améliorer la qualité de service en termes de briques et de clics. Cela veut dire accessibilité physique (le réseau des agences et des guichets automatiques) et virtuelle (la banque par internet, SMS, etc.).
  • Il est nécessaire que le regard des citoyens ordinaires sur le monde bancaire change, que la confiance soit créée. Que les citoyens apprennent à épargner en banque. Cela évitera les affres des marchés qui brûlent avec l'argent des commerçants à l'intérieur.
  • Les banques doivent améliorer la rapidité d'exécution des opérations, qui doivent se rapprocher du temps réel.
  • Il est important de continuer à surveiller les opérations de crédit, afin de mettre en place un mécanisme qui va sortir du système bancaire tous les mauvais payeurs qui vont de banque en banque. Il y a un bon début avec la Centrale des incidents qui se met en place. Mais l'objectif serait une information en temps réel sur ceux qui ont des comptes en banque litigieux. Cela ramènerait la confiance dans le système.

 

Guillaume Liby en neuf repères

 

6 septembre 1962

Naissance à Guibéroua.

 

15 décembre 1993

Retour en Côte d'Ivoire. Entrée à Citibank.

 

1997

Entrée à la SFI.

 

Fin 1998

Retour à Citibank.

 

1er novembre 2001

Entrée à la CAA/BNI.

 

2004-2007

Conseiller et directeur des risques à la CNCE.

 

2007-2008

Directeur projet Access Bank Côte d'Ivoire, directeur général par intérim Omnifinance.

 

1er septembre 2008

Entrée à UBA Côte d'Ivoire.

 

1er mai 2009

Directeur général UBA Côte d'Ivoire.

 

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Article extrait de Côte d'Ivoire Economie



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