POUR LA SEMAINE MONDIALE DE L’ENTREPRENARIAT

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  • Date: mar. 0
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La fin des années 70 et le début des années 80 a sonné le glas de l’Etat providence dans les pays africains et en Côte d’Ivoire. Certaines interventions du pays ont été soit contraintes, soit limitées. Mieux le plan de rigueur budgétaire dénommé à l’époque plan d’ajustement structurel (PAJ) par le groupe de la Banque Mondiale a contraint l’Etat à limiter sa vocation de premier employeur.

Les recrutements de fonctionnaires et agents de l’Etat se font de plus en plus rudes. Les salaires proposés sont abattus ou réduits pour les nouveaux postes à pourvoir ; l’on a parlé du phénomène du raccrochage de certains fonctionnaires et agents de l’Etat. Et les populations ont commencé à s’apercevoir que l’Etat ne devrait pas être perçu comme la pourvoyeuse d’emplois.

Après cette dégringolade de nos Etats africains, la deuxième moitié des années 2000 a été celle des pays dits développés. Les crises économiques et financières ont détruit beaucoup d’emplois publics. Aux Etats-Unis, la situation a été encore plus dramatique. Le refus du vote des rallonges budgétaires avait entrainé la suspension de certains contrats de travail dans le secteur public.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour dire que l’entreprenariat demeure l’une des meilleures voies pour la création de la richesse. C’est vrai que l’entreprenariat est l’action de créer de la valeur ajoutée ; mais il n’y arrive que par la création d’emplois durables. C’est pour créer ces emplois, donc pour promouvoir la création de ces entreprises productrice d’emplois, que de plus en plus, des initiatives publiques et même privées se mettent en place. A ces initiatives, il convient d’ajouter le rôle très déterminant des organisations multilatérales. Pour marquer leur intérêts grandissant, en 2010, les responsables publics de haut niveau, représentants des institutions financières et entrepreneurs de 31 pays membres de l'OCDE et plusieurs pays non membres se sont réunis au siège de l'Organisation à Paris les 17 et 18 novembre afin d'établir une feuille de route pour déterminer les moyens de s'assurer que les petites et moyennes entreprises et l'entrepreneuriat contribuent le plus possible à la création d'emplois qui est aujourd'hui nécessaire pour que les gouvernements puissent asseoir la reprise en cette sortie de crise et étayer une croissance viable à long terme. C’est le cas des structures du Groupe de la Banque Mondiale (FMI, SFI, IFC), mais aussi et surtout de la Banque Africaine de développement (BAD). C’est pourquoi d’ailleurs, depuis des années, une semaine mondiale de l’entreprenariat a été, entre temps, initiée.

Comment certains pays appréhendent ou mettent œuvre l’appel de la communauté internationale de promouvoir l’entreprenariat ? Que fait la Côte d’Ivoire en matière de promotion de l’entreprenariat ? Quels sont les « en jeu » d’une telle initiative pour la Côte d’Ivoire ?

Répondre à ces questions n’est pas forcément la solution miracle. Mais il semble que des réponses précises auraient l’avantage d’une mise en perspective pour les parties prenantes à ce challenge.

En faisant un détour sur les plateformes de communication et d’information, l’on s’aperçoit que depuis quelques années, certains pays africains se sont investis dans l’organisation et dans le soutien de la semaine de l’entreprenariat ou d’une journée de l’entreprenariat. En 2013 elle a eu lieu du 18 au 24 novembre dans plusieurs pays. Une célébration avec des thèmes variés à la mesure des problèmes propres à chaque économie. Cette année, elle a lieu au cours de ce mois de novembre. Mais au-delà de la semaine de l’entreprenariat, il y a la question même de « entreprenariat » qui est mise à jour de part et d’autres.

 

D’une originalité particulière, le Burkina Faso a organisé cette année la 9e édition des Journées de l’Entreprenariat Burkinabè. En question de fond, le financement comme enjeu crucial pour les entreprises du Faso. Pour ce pays, chaque année depuis 2005, les Journées de l’entreprenariat burkinabè (JEB) sont l’occasion d’encourager l’esprit d’entreprise, de donner un coup de pouce aux jeunes entrepreneurs, de faire connaître au grand public les moyens d’entreprendre avec succès et de mettre en relation des porteurs de projet avec des institutions de financement.

Les pouvoirs publics ont, semble t-il, encouragé et aidé la mise en place de « Bagrépôle », une success-story burkinabè ; un pôle de compétitivité. Cette année, les JEB ont été placées sous le thème « Place et rôle des investissements privés et problématique de leur financement dans un pôle de croissance : cas du Pôle de croissance de Bagré », un choix qui serait justifié par l’actuelle implémentation des pôles de croissance au Burkina Faso, avec Bagré comme pôle pilote.

 

Au bénin, au Togo et également au Ghana voisin, les pouvoirs publics se réveillent et essaient de donner toute sa place à l’auto-emploi et à l’entreprenariat. Cela fait plusieurs années que ces pays s’organisent autour de la question et proposent des solutions innovantes aux jeunes entrepreneurs. Au bénin, par exemple, le projet SONGHAÏ séduit.

 

En Côte d’Ivoire, à moins que nous ne soyons mal informés, les initiatives pour la promotion et l’aide aux créateurs d’entreprises sont encore maigres. C’est vrai qu’une telle contribution, ne peut pas ignorer certaines actions porteuses de solutions et d’espoirs. C’était déjà le cas au début des années 90, pour les fonds dits « sociaux ». Pour rappel, ces fonds à l’origine auraient été mis en place pour aider les jeunes à créer leurs propres entreprises. Certains jeunes ont su profiter et faire profiter ces fonds par le lancement effectif de leurs entreprises et par voie de conséquence, la création d’emplois. Mais, la très grande majorité de ces tentatives a été vouée à un échec cuisant. L’Institut national de l’entreprise (INIE) et le Fonds Ivoirien pour le développement des entreprises nationales (FIDEN) font parti, en tout cas avant 2013, de ces initiatives échouées sur les plages de la mauvaise gouvernance.

Depuis trois ans, le Patronat ivoirien, CGECI (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire) a lancé le projet « CGECI Academy ». Un projet qui consiste à mettre en compétition des jeunes promoteurs d’entreprises ou concepteurs d’idées innovantes afin d’en sélectionner les meilleurs. Ces derniers devront profiter des facilités de financement pour la création de leurs entreprises. A côté de cette initiative déjà louable, cette confédération a initié une série de séminaires et d’ateliers de formation au profit de la femme entrepreneure, jusqu’à l’organisation cette année, de la 1ère édition des Journées de l’Entreprenariat Féminin (JEF). Pour cette première édition, le thème était : « Rôle et place de la femme entrepreneur dans le développement économique et sociale » 

Pour nous, bien qu’appréciables, il s’agit encore, et avant tout, de tentatives isolées sans coordination au niveau national. C’est d’ailleurs pour quoi, depuis quelques semaines, le Think tank de l’AISA travaille à fédérer les synergies indispensables à une bonne maîtrise de cette problématique de l’entreprenariat.

« En jeu » pour la Côte d’Ivoire, le développement économique et social.

En 2006, lors de sa tournée sur le «Social Business », Muhammad Yunus, économiste et prix Nobel de la paix, avait déclaré que l’entreprenariat serait la clé du développement économique et social de l’Afrique. Et, depuis quelques années, les observateurs de l’activité économique mondiale s’accordent pour dire que l’Afrique est le seul continent dont la croissance économique est au rendez-vous ; une croissance qui s’équilibre durant ces 10 dernières années à un taux moyen de 5%. En Côte d’Ivoire, de 9% entre 2011 et 2013, les pouvoirs publics tablent sur une croissance à deux chiffres pour les années à venir. C’est une performance économique qui pourrait faire pâlir certaines économies dites « développées ». Cette performance se réalise, nous le savons tous, par l’entremise de la création d’entreprises (grandes entreprises et PME, mais aussi de très petites initiatives artisanales). Mais après la performance et la croissance économique, il nous faut le développement économique et social. C’est dire que la croissance précède le développement économique et social. Cette dernière ne devrait se faire ressentir que par une juste redistribution des richesses créées par la croissance économique : L’emploi et le travail aux populations, surtout aux jeunes qui représentent, selon les dernières statistiques de la Banque mondiale et dans l’attente des résultats du recensement 2014, plus de 60% de la population. Ce sont ces derniers qui sont le plus touchés par le chômage et les plus concernés par les recrutements de soldats de guerre.

Donc, pour notre pays, promouvoir l’entreprenariat et aider à entreprendre, il y a en jeu, la stabilité politique et la paix ; mais aussi le progrès social. Certains auteurs iraient même jusqu’à dire que le travail est la meilleure arme contre la guerre et la famine. En parlant de famine, qui ne serait pas déçu de constater que notre pays, malgré ses bas-fonds irrigués, dépende encore non seulement des cours mondiaux des matières premières mais surtout des importations de riz, et autres denrées alimentaires. Qui comprendrait qu’avec l’ouverture sur l’Atlantique et les cours d’eaux (barrages, fleuves et lagunes), les populations sont toujours tributaires des importations de produits halieutiques (poissons et autres) ? Une tentative de réponse à ces réalités serait de dire la manque de soutiens et d’appuis à l’entreprise. Ainsi donc, ce qui est en jeu, ici, c’est aussi l’autosuffisance alimentaire.

Pour un pays, comme le nôtre, qui a connu une guerre que d’autres ont vite fait de qualifier de « conflit de partage », donner un coup de pouce à ceux qui veulent se prendre en charge ne devrait être qu’un problème à poser pour lequel la solution serait institutionnalisée.

Il serait souhaitable que la volonté politique se détermine véritablement. Selon le Ministère de la promotion des PME, le plan Phoenix, à l’instar du « Small Business Act », plan américain sur la situation des PME au Etats-Unis, arriverait pour résorber ce déficit structurel. Il y a quelques semaines, nous avions assisté à la présentation de cet ambitieux programme. On peut reformuler les objectifs de ce plan comme suit :

  • Créer une Agence centrale pour les PME ;
  • Encourager l’entrepreneuriat et l’innovation à tous les niveaux ;
  • Promouvoir le développement de la recherche et la diffusion de ses résultats ;
  • Faciliter les échanges d’expériences, d’informations entre tous les organismes, privés ou publics, nationaux ou internationaux;
  • Contribuer à la formation de politiques publiques favorables au développement d’une économie entrepreneuriale et innovante;
  • Faciliter le dialogue entre les chercheurs et les praticiens.

D’ailleurs, une table ronde des bailleurs de fonds du plan s’est tenue récemment à Abidjan. Nous espérons que cette volonté qui s’est affichée, se concrétise par la réalisation et la bonne gouvernance de ce programme. Il nous semble bien que ce n’est pas un choix. Pour la sécurité nationale, c’est une obligation !



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